C’est un beau soir d’été. La nuit arrivant à grandes enjambées, Jimmy remarque une très belle et brillante étoile, juste au-dessus de lui, tout en haut dans le ciel outremer. Il la contemple ainsi pendant de longues minutes. Mais il commence à avoir un torticolis. Alors, il se dit que ce serait mieux de l’admirer en s’allongeant dans l’herbe. Ce qu’il fait. Pas de doute, allongé ainsi dans la verdure, c’est vraiment bien mieux et bien plus reposant pour observer la belle qui scintille, mis à part l’herbe qui chatouille les oreilles. La nuit s’avance et des copines de l’étoile, moins brillantes, font leur apparition, les unes après les autres. Jeannot s’habitue à l’obscurité, et l’astre semble briller bien plus que tout à l’heure. Lorsque tout à coup il entend : « Comment me trouves-tu petit jeune homme ? ». Il sursaute si fort qu’il se retrouve assis. 

– Je ne rêve pas se dit-il, cette voix tombe bien du ciel. 

– N’ai pas peur ! Oui, c’est bien moi l’étoile. Je voudrais simplement parler un petit peu avec toi. C’est tout simple ! dit la voix. 

– Mais, mais, une étoile ne parle pas, répond-il à la lumière céleste.

– Mais si, la preuve, répond-elle.

Son coeur bat fort dans sa petite poitrine.

– Tu n’as pas à avoir peur, affirme-t-elle. Je sais bien que ce n’est pas très courant qu’une étoile s’adresse à un tout jeune petit garçon, mais tu n’es pas n’importe quel petit garçon. Mais au fait, tu n’as pas répondu à ma question : comment me trouves-tu ?

Il se rallonge dans l’herbe et observe la lumière pointue qui grésille tout là-haut.

– Tu es très brillante… Un peu bleue… Un peu blanche… Ça dépend des moments. J’aime bien. Ça te rends vivante. Tu es très jolie en fait. 

– Merci. Tu es très gentil. Mais tu sais, je suis vivante ! En doutais-tu !

– Ben… J’ai du mal à le croire mais, ça doit être vrai puisque tu me parles.

– Voila. Tu vois, c’est tout simple !

– De quoi veux-tu que nous parlions ? Mais au fait, tu as un nom ?

– Bien sur. Je m’appelle Véga et pour toi, vu depuis ta petite planète, j’habite dans la constellation de la Lyre. Tu vois ces six étoiles en triangle et rectangle.

– Oui, je vois. 

Jeannot reste un moment silencieux, pensif, observant ces points brillants.

– Mais comment fais-tu pour me parler ? Tu n’es pas humaine, lui demande-t-il.

– Effectivement, je ne suis pas humaine, mais comme tu peux le constater je suis en mesure d’échanger avec toi. Mais rien qu’avec toi !

– Ah bon !? Mais pourquoi rien qu’avec moi ?

– Parce que tu es spécial, tout à fait original. Tu m’es précieux… Je peux te parler et tu peux m’entendre parce que ton coeur est ouvert et donc tes oreilles peuvent m’entendre.

– Ah bon ! Je ne savais pas que j’étais spécial…

– Tu crois que tous les petits garçons peuvent parler avec une étoile ?

– C’est la question que j’étais en train de me poser…

– En fait, certains enfants, comme toi, peuvent parler avec les étoiles, mais on ne le leur a pas appris et donc ils ne le savent pas et n’y croient pas. Et même s’ils affirment à leurs parents qu’ils ont parlé avec elles, la plupart du temps ils ne le prendront pas au sérieux et se mettront à rire. Ou pire !…

– Donc il vaut mieux que je ne parle pas à maman et à papa de notre conversation de ce soir ?

– Et bien tu feras comme bon te semble. 

– Bon, je déciderai de ça plus tard…

– Je pense que c’est sage de ta part.

Un silence balaya la terre et le ciel qui, à présent, crépitait de dix mille lumières. Une petite brise tiède de juillet caressa le visage de Jimmy alors que les grillons nocturnes débutaient de concert.

Puis il reprit la conversation.

– Tu es là depuis très longtemps ?

– Oui, pour toi cela fait très longtemps…

– Combien d’années ?

– C’est un très grand chiffre tu sais !

– Dis-moi !

– 455 millions d’années. Lorsque je suis née les hommes n’existaient pas encore sur ta planète.

– J’ai du mal à comprendre tout ça… Je laisse tomber !

– Je crois que tu as raison.

– Tu es loin de ma planète ?

– Tout dépend de ce que tu entends par «loin»… Tout est relatif.

– Qu’est-ce que ça veut dire «relatif» ?

– Hé bien, prenons par exemple le grillon qui chante dans ce pré. Est-ce qu’il est loin de ta maison là-bas ?

– Ben… vu sa taille et la distance qu’il y a jusqu’à ma maison… pour lui, ça fait loin. Pour moi, non.

– Tu as tout compris ! Tu comprends vite !

– Tu ne m’as pas répondu. Est-ce que tu es loin de moi ?

– Pour les hommes qui m’ont étudiée, je suis loin, puisqu’ils ont calculé que ma lumière met 25 années à atteindre ta planète. Mais il y en a d’autres qui sont bien plus lointaines que moi.

– 25 années !? Mais tu es très loin !

– Oui et non. Je ne suis pas loin puisque je peux te parler. Mais ma lumière met plus de temps pour arriver jusqu’à toi.

– C’est ça que je ne comprend pas…

– Hé bien, pour rester simple, il y a deux sortes de lumières, celle que tu vois avec tes yeux et qui met un certain temps à parcourir l’espace, et celle que tu ne vois pas mais que tu sens, et qui est instantanée car elle ne connait ni le temps ni l’espace.

– Et c’est cette lumière avec laquelle nous parlons ?

– Exactement ? C’est la lumière du coeur.

– la lumière du coeur ? parce que le coeur est lumineux ?

– Bien sur, on appelle cette lumière «amour».

– L’amour ?…

– Oui, l’amour ; cette lumière qui fait briller les yeux mais qui n’est pas la lumière qu’ils captent. Un de vos grands hommes* a écrit « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».

– Ah ! Mais je le connais. Il dit ça très souvent ! C’est Antoine !

– Oui !… Je me doutais bien que tu le connaissais…

– Ah ! Tu le connais toi aussi ! Tu sais comment il m’appelle ? 

– Je m’en doute un peu…

– Il m’appelle le Petit Prince !… 

 

 

* * *

 

Dans le Yi Jing, nous voyons vivre ces deux sortes de lumières. 

La lumière des yeux est révélée dans l’Hexagramme 30 l’Eclat, et la lumière du coeur dans l’Hexagramme 61 Confiance au milieu Juste.

Le premier est composé par la répétition du Trigramme Li (Feu – Lumière) ; lumière, éclat, clarté, éblouissement, lucidité, beauté, splendeur, vivacité, intelligence… 

Le second est composé par la duplication du Trigramme Li ; le raffinement de la Lumière, le spectre de la lumière, la Lumière centrale, la lumière du Verbe, La lumière intérieure, la lumière spirituelle, la totale confiance…

 

* Antoine de Saint Exupéry

 

Pierre LAUTIER

13 février 2023

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